Du déni de grossesse dans les médias.

Je ne sais pas si cette discussion a vraiment sa place ici, mais je crois que j'avais vraiment besoin d'en parler, alors je me lance.

Dimanche, tout le quartier où habite la famille de mon copain a été ratissé par la police. Une femme qui habite dans sa rue s'était rendue vers 5h30 du matin à l'hôpital le plus proche avec son compagnon, car elle souffrait de saignements. Très vite, le personnel hospitalier s'est rendu compte qu'elle avait accouché récemment, mais en état de choc, la personne niait avoir été enceinte, et ne comprenait pas les questions. Donc, pendant toute la journée, la police a cherché le bébé, dans l'éventualité ou il aurait été vivant mais la mère incapable de dire où il se trouvait.

Le problème est que les médias, voyant le nombre de personnes qui cherchaient l'enfant, ont tout de suite sauté sur l'éventualité qu'elle l'avait tué ou s'en était débarrassée quelque part.

Aujourd'hui, l'hypothèse la plus probable avancée par les autorités est le déni de grossesse. Elle a fait une fausse couche en allant aux toilettes, mais pour elle qui ne se croyait pas enceinte, et qui a juste constaté des douleurs violentes et des pertes de sang importantes, ce n'est pas du tout à cela qu'elle a pensé.

Mais non. Pour les journaux de la région, c'est toujours "Le petit bébé a été retrouvé mort dans les canalisations !"

Oui-oui, c'est le titre de leur article. Ah, mais dedans ils vous expliquent tout, qu'elle était en déni et qu'elle a probablement perdu le bébé en allant aux toilettes (en illustrant cela d'un magnifique plan de la protection civile qui a fouillé les égouts dimanches matin), que l'on doit attendre les analyses fin de semaine pour savoir si c'était un bébé viable ou un foetus non-viable. Je trouve l'entièreté de ces propos, et la façon dont ils sont énoncés, proprement abominables. Le titre déjà est fait uniquement pour faire penser à un fait divers sordide, parce qu'ils ne peuvent pas accepter le fait qu'ils avaient peut-être tord dimanche soir.

Non, juridiquement ce n'était pas un bébé viable si il était en dessous de la 24e semaine (en Belgique en tout cas). Non, ce n'est pas parce que le bébé était dans les canalisations qu'elle l'y a jeté, et non, elle ne s'est pas rendue compte qu'elle faisait une fausse couche. C'est le principe d'un déni de grossesse : ne pas savoir que l'on est enceinte. Et pourquoi ne pas avoir appelé les urgences ? C'est bien, mais moi la dernière fois où j'ai appelé ce numéro, j'ai attendu 35 minutes avant de voir arriver quelqu'un. C'est fréquent dans la région. Alors oui, effectivement, entre attendre l'ambulance une demi-heure ou aller en voiture avec son compagnon aux urgences qui se trouvent à 7 minutes en voiture, moi non-plus je n'aurais pas appelé.

Bref je trouve ça triste. Maintenant l'entièreté des vingt mille habitants de la ville savent où elle habite, ce qu'il s'est passé, son nom, grâce toujours à ces fabuleux médias. Je n'ose pas imaginer ce que ça va devoir être de supporter tout cela : la mort d'un être, sa douleur psychologique, le regard compatissant ou méprisant des voisins, selon ce qu'ils auront compris ou pas à travers le battage médiatique.

Et au delà d'elle seule, c'est toutes les femmes qui vivent de genre de situations, déjà assez traumatisantes, qui sont stigmatisées par des articles pareils.

Oui, malheureusement, le déni de grossesse est encore un phénomène très mal compris, peu étudié ( vu que cela concerne les femmes, ce n'est pas étonnant ). J'imagine que la femme concernée par les faits que tu énonce doit être suffisamment ébranlée comme ça, et les réactions médiatiques ne doivent vraiment pas aider à l'apaiser. Un déni de grossesse + un accouchement surprise dans ses WC, il faut imaginer deux secondes le traumatisme que cela doit représenter...

Je ne sais pas trop comment l'expliquer mais j'ai l'impression qu'à chaque fois que l'on évoque le déni de grossesse dans les médias, c'est pour faire le portrait d'une "mauvaise mère"... C'est comme si ces femmes, pour qui l'épreuve à déjà du être traumatisante (découvrir que l'on est enceinte quand on ne s'y attend pas du tout, ça peut faire un choc), étaient quelque part considérées comme fautives....

Je connais une fille qui est rentrée à l'hopital pour une cystite et qui est ressortie avec un bébé. C'est rare, mais ça arrive. Sa grossesse était complètement invisible.